29 novembre 2005

La tradicion de Senta Barba

La tradicion de Senta Barba (prononcé la tradichiou dé cheinto Barbo)-la tradition de Sainte Barbe.
Dans le sud de la France, en pays de langue d’oc, Noël se prépare dès la Saint Barbe. La tradition veut que « quand lo blat ven ben, tot ven ben » (quan lou blo vein bein, tou vein bein)-quand le blé vient bien, tout vient bien. Le 4 décembre « fau semenar lo blat de Nadau » (faw séména lou blo de Nadaw)-il faut semer le blé de Noël. Placez les graines sur du coton très humide dans une jolie petite assiette qui ira bien sur la table du réveillon. Mettez la à la lumière et à la chaleur afin que le blé puisse germer. Vous pouvez remplacer « lo blat per de las lentihas o daus peseus » (lou blo pèr déla leintilla ou dow pésew)-le blé par des lentilles ou des pois chiches.
Trois semaines plus tard, « fau que lo blat de Nadau aguessa frotjat », il faut que le blé de Noël ait poussé. Plus haut il sera, meilleur sera l’année à venir. Et « un còp passat Nadau », une fois passé Noël, il faut enterrer ce blé germé ou le brûler dans la cheminée.
Je ne suis pas un fanatique des traditions qui souvent sont synonymes d’immobilisme, mais celle de Saint Barbe « m’agrada » ( m’agrado)-me plaît beaucoup. J’y vois plusieurs intérêts. « D’en prumier », les enfants font là une expérimentation du cycle de la nature en prenant chaque jour soin du blé. « D’en segond », c’est une façon d’appréhender le rythme des saisons en marquant de façon « pagana »(pagano)- païenne- l’arrivée du solstice d’hiver et donc de la nouvelle année. « En fin », cette tradition favorise les liens intergénérationnels. Les adultes transmettent ainsi aux enfants une pratiques ancestrale qui les amène à s’intégrer dans un monde aux contours de moins en moins lisibles. « Lo blat de Nadau » c’est une pause que l’on s’accorde en famille pour parler ensemble d’autre chose que du quotidien.
E puis cela vous fera une décoration originale pour votre table de Noël. « Anetz far daus jirlós ».

La chastinha

La chastinha/la castanha (prononcé la satigno/la castagno)- la châtaigne.
Comme chantait Nougaro ici, même les mémés aiment la castagne. Et c’est vrai que peu de fruits ont lié leur destin avec L’Occitanie comme la « chastinha ».
« Lo chastan o castan » – le châtaigner- était pour nos ancêtres du Périgord, los crocants, l’ arbre à pain. « La chastinha » était consommée tout l’hiver, entière ou en farine. Sa conservation se faisait par séchage « sus de las cledas » (sur de la cléda)- sur des claies- ou parfois dans de l’eau. Le proverbe dit « que se las chastinhas e las rabas venián per mancar, la França seriá roinada » (qué si la satigna e la raba végnan pèr manca, la francha sério rouinado)- Si les châtaignes et les raves venaient à manquer, la France serait ruinée. Ainsi les révoltes « de crocants » eurent souvent lieu quand les châtaignes faisaient défaut.
Normal dans ce cas que le lexic occitan soit si riche pour parler d’elles. Nous les mangeons en « borsadas » (boursada)-châtaignes à l’eau, en « chauvets o uròus» (sawvé ou urow)-châtaignes grillées, en « jaques » (zaqué)-séchées et réhydratées, « blanchidas » (blansida)-blanchies.
Ieu que blanchidas que m’agradan lo mai. Et je vais vous donner la recette
>Enlever la première peau de 3 kg de châtaignes. Les mettre alors dans une « topina » (toupino)- une petite cocotte de fonte à ventre arrondi et à col resserré- et y verser de l'eau bouillante 2 ou 3 minutes. Les gratter à l’aide d’un « esvirolaire o desboirador » (eïviroulairé ou deïbowïradou)-un peleur de châtaignes-. Se servir d'un petit couteau pour enlever le reste de " tan "-peau de châtaigne.
Tapisser le fond de la « topina » de feuilles de figuier. Ajouter des raves et de pommes de terre non épluchées. Finir de remplir avec « las blanchidas » ; mouiller un linge et le plier sous le couvercle, cuire à l'étouffée 1 heure à feu doux.
E emb un bon cofin quo es una miraudia - et avec un confit c’est magnifique !

La darriera

« La darriera o l’autona » (prononcé lo darrièro o l’awtouno) - littéralement : l’automne.
On dit en Périgord « Febre autonala, longa e mortala » (prononcé fèbré awtounalo, loungo é mourtalo)- fièvre d’automne longue et mortelle. Sympathique vision de cette saison qui chez nous « es pesuga e longa » (prononcé èï pézugo é loungo)- est lourde et longue.
« Los nivols, la nible » (lous nivouls, la niblé)-les nuages, « coma la brima, lo fum, la niaula, la brimassada » (la brimo, lou fum, la niawlo, la brimassado)-comme la brume, forment en général le quotidien des périgourdins de novembre à janvier. Pour certains c’est une triste époque de l’année où la lumière se fait rare et où « la gaulha galucha e pega aus pes » (la gawillo galusso é pègo aw pè)-la boue colle aux pieds.
Pour moi c’est tout le contraire. Nous avons la chance de posséder en Dordogne quatre véritables saisons et « la darriera » n’est pas la moins agréable. Elle illumine nos campagnes de mille feux peignant les bois en rouge, orange, marron et jaune. Grâce à elle nous retrouvons « lo canton » (lou cantou)-le coin de la cheminée- avec plaisir. Et plus les jours passent et plus nous nous sentons gagnés « per lo languir » (pèr lou langui)-par la mélancolie.
J’ai pour habitude de dire que qui n’a pas passé un automne et un hiver en Périgord ne sait pas ce qu’est notre pays. Tous ceux qui achètent une résidence ici au cœur de l’été ne se doutent pas de la douce torpeur qui envahit le pays quelques mois plus tard. Et nombreux sont ceux qui revendent fuyant la dépression qui les guette. A ceux qui ne comprennent pas bien ce que je veux dire, imaginez « una nozareda per temps de niaula emb las graulas que graulonan un pauc pertot »-une noierai par temps de brumes avec les corbeaux qui croassent. Cela peut sembler inquiétant. Pour moi c’est juste fantastique.
Finalement, passer « una darriera pluevinosa» en Périgord c’est découvrir si l’on aime ce pays dans toute sa dimension affective.

La granda guerra

« La granda guerra » (prononcé la grando guèrro) : la guerre de 14-18.
« Tornarem per las vendenhas ! » (prononcé tournaneim pèr la veindégna) – littéralement, nous serons de retour pour les vendanges. C’est avec ce cri, ou devrais-je dire cette supplique que les paysans du Périgord partirent faire la guerre en 14 contre l’Allemagne. « Sabian pas los bogres ente que n’anavan botar los pès » (chabïam pa lou bougré einte qué anavan bouta lou pè)- ils ne savaient pas les pauvres où ils allaient mettre les pieds.
« La granda guerra » fut la fin d’un monde et le début d’un autre. « Per nòstre compte » (pèr notré counté) –en ce qui nous concerne-, peuple de langue d’oc, les effets de cette horreur furent catastrophiques. Si l’ensemble de la France vit disparaître 3.5% de sa population, ce fut en domaine occitan 6% des habitants qui ne revint pas; tous des jeunes hommes ! « Paratz un còp d’uelh » (para un co d’uweï)-jetez un coup d’œil aux monuments aux morts pour comprendre ce que je veux dire. On y trouve souvent plus de noms qu’il n’y a de gens dans le village aujourd’hui.
« Quela sagnada demografía »-cette saignée démographique marqua le vrai recul de la langue d’oc. Les morts ne parlent plus la langue de leurs parents. Et ceux qui rentrèrent avaient appris par force durant quatre années, avec les autres troupes de France, ce « francés » qu’ils avaient jusque là difficilement ânonné sous les coups de règle à l’école de la République. Quant «a las veusas » (a la vewza) – aux veuves, elles durent souvent quitter le pays, précipitant l’exode rurale et coupant de même le lien linguistique qui les unissait à leur pays.
« La granda guerra » a plus fait pour la francisation des peuples de France que l’école ou que la loi. Bretons, basques, occitans, corses, « avián boirar lor sang (avîan bowïra lour sang)-avaient mélangé leur sang dans les mêmes tranchées. Il avaient payé l’impôt le plus fort qui fût possible de payer. Màs perqué ?

la gripa

« La gripa » (prononcé la gripo) : la grippe.
« Quand una pola es malauda, totas las van becar » (prononcé quan uno poulo èï malawdo, touta la van béca)-littéralement : lorsqu’une poule est malade, toutes les autres vont la becquer. En d’autres termes, pas de cadeaux pour les faibles et c’est toujours sur eux que s’acharne le monde. Un bémol cependant cette fois ci à ce vieux dicton occitan. « Se la pola es malauda a causa de la gripa aviari », je conseille vivement aux autres poules de ne pas aller la becquer.
Soyons sérieux, ne croyez-vous pas que « lo monde son venguts falords o pusleu completament birlauds, marteu, fadurlaud, trasfolit, tindareu » (prononcé lou mound soun veingu falour ou pulew coumplétamein birlaw, martew, fadurlaw, trafouli, tindarew)-le monde est devenu fou ou plutôt complètement insensé- ? « Ieu qu’ai una bona pira » (you qu’aï uno bouno piro »-moi, qui suis un bon mangeur- je n’imagine pas arrêter de manger « dau fetge gras de rite» (dau fètzé gra dé rité)- du foie gras de canard fermier ou du « salmis de palomas »-du salmis de palombes. « E que van devenir lo confit, la polarda, lo cassolet, l’aucha truffada »-que vont devenir le confit, la poularde, le cassoulet, l’oie truffée- « anem pas crebar de fam tot pariers »-on ne va pas mourir de faim quand même!
C’est vrai que 60 personnes, pour 6 milliards d’habitants, sont mortes de la grippe aviaire. Mais en comparaison nos cuisines semblent plus dangereuses que nos pauvres poulets puisque 12 000 français y perdent la vie chaque année, et sans cuisiner de volatiles.
« Siá que siá » (prononcé sïo qué sïo)-quoi qu’il en soit-, « fau far fisança » (faw fa fizanço)-il faut faire confiance à nos producteurs périgourdins et ne pas réitérer « per un lucret de ren » (pèr u lucré de rè)- pour presque rien, les erreurs commises lors de la crise de la vache folle qui ont mis « de genolhons » (dé genouillou)- à genoux l’ensemble de la filière bovine.

Paraula a Peio Serbielle

En questa fin d’annada ai enveja de laissar la paraula aPeio Serbielle, chantaire basque emprisonat en preventiua dempuei mai d’un an sens jutjament acusat (ma non condamnat) per aver donat l’alberja a daus militants d’ETA.
Me sei amusat emb un amic a revirar en occitan sas paraulas donadas dins un intervusda de la revusda « Pays Basque Magazine ». Ai mesma butit lo juec juscà chanjar lo mot basque per lo mot occitan. A vos de legir, en vos soetar a totas e tots un bon e urós Nadau.

[ Un jorn, que landravava per chamins traversiers radiofònics, un fuelhotonista daus temps modernes, m’apostrofet entau : « Peiò, perque chantatz en occitan ? »
Convocacion aus Dius e a l’imaginari ; subran venguet la metafòra a mon secors :
« Mon char mossur d’en prumier, barratz los uelhs ! Aura imaginatz un orquestra sinfonic !Vesetz ! Aqui i a un pianò, vriulons, altòs, violoncelas,… ; i a maitot timbalas, cimbalas. Dijatz-me, vesetz los vriulons ?
-Òc, plan segur ! m’asseguret lo tipe.
-E ben los vriulons son la lenga occitana ! Imaginatz nonmàs un briu, un orquestra sinfonic sens vriulons . »
Mon interlocutor demoret mut. Chapitet emb ‘queste destorn pro poetic, a me debarrassar de quilhs eternaus tòpics que nos volen far totjorn justificar, auprep d’un public non assabentat, l’utilitat d’una lenga que per essença, tot lo monde zo sap, a pas de justificacion a donar de se-mesma. Exisitis, punt finau. De fach, a lo drech de vita, lo drech de chant e de territòri, donc de communicacion.
De mai luenh que me sonvene, ai totjorn considerat la parabòla de la tor de Babel coma una chança immensa per l’umanitat. Efectivament, coma auriá pogut, ieu, èsser unic per excelença, fasent còrs coma quilhs pòples tots unics coma ieu, copular verbalament dins questa lenga de sanats, sens arma, e donc sens vita, qu’apelan Esperantò ?
Laidonc, diriá coma Micheu Torga que « l’universau es lo locau manca los murs ».
S’agis pas aicí d’impausar de las valors, mas de sietar umilament a la taula de l’umanitat, emb l’odor de sa terra en bandoliera e de balhar de veire, de comprener e benleu d’aimar.
…E de meditar quela convidacion donada per nòstre amic Antoniò Machadò : « Si tu voes èsser universau, conta me ton pòple ! » ]