29 novembre 2005

La granda guerra

« La granda guerra » (prononcé la grando guèrro) : la guerre de 14-18.
« Tornarem per las vendenhas ! » (prononcé tournaneim pèr la veindégna) – littéralement, nous serons de retour pour les vendanges. C’est avec ce cri, ou devrais-je dire cette supplique que les paysans du Périgord partirent faire la guerre en 14 contre l’Allemagne. « Sabian pas los bogres ente que n’anavan botar los pès » (chabïam pa lou bougré einte qué anavan bouta lou pè)- ils ne savaient pas les pauvres où ils allaient mettre les pieds.
« La granda guerra » fut la fin d’un monde et le début d’un autre. « Per nòstre compte » (pèr notré counté) –en ce qui nous concerne-, peuple de langue d’oc, les effets de cette horreur furent catastrophiques. Si l’ensemble de la France vit disparaître 3.5% de sa population, ce fut en domaine occitan 6% des habitants qui ne revint pas; tous des jeunes hommes ! « Paratz un còp d’uelh » (para un co d’uweï)-jetez un coup d’œil aux monuments aux morts pour comprendre ce que je veux dire. On y trouve souvent plus de noms qu’il n’y a de gens dans le village aujourd’hui.
« Quela sagnada demografía »-cette saignée démographique marqua le vrai recul de la langue d’oc. Les morts ne parlent plus la langue de leurs parents. Et ceux qui rentrèrent avaient appris par force durant quatre années, avec les autres troupes de France, ce « francés » qu’ils avaient jusque là difficilement ânonné sous les coups de règle à l’école de la République. Quant «a las veusas » (a la vewza) – aux veuves, elles durent souvent quitter le pays, précipitant l’exode rurale et coupant de même le lien linguistique qui les unissait à leur pays.
« La granda guerra » a plus fait pour la francisation des peuples de France que l’école ou que la loi. Bretons, basques, occitans, corses, « avián boirar lor sang (avîan bowïra lour sang)-avaient mélangé leur sang dans les mêmes tranchées. Il avaient payé l’impôt le plus fort qui fût possible de payer. Màs perqué ?